19 octobre 2011

Les opérateurs font et font faire ce qu'ils veulent !


La ville de Paris suspend les implantations d'antennes relais


La mairie de Paris a décidé de suspendre "immédiatement" toutes les nouvelles implantations d'antennes relais sur les toits et bâtiments municipaux, après la rupture de la charte parisienne de téléphonie mobile due, selon elle, à des "exigences inacceptables" des opérateurs.



Antennes relais sur le toit d'un immeuble  © eTF1

La guerre entre opérateurs et ville de Paris est-elle déclarée ? 

La mairie de la capitale a décidé lundi de suspendre "immédiatement" toutes les nouvelles implantations d'antennes relais sur les toits et bâtiments municipaux, après la rupture de la charte parisienne de téléphonie mobile due, selon elle, à des "exigences inacceptables" des opérateurs. La ville recense 186 antennes relais sur ses toits pour 1200 antennes en tout dans la capitale.

C'est Mao Péninou, adjoint (PS) chargé de la qualité des services publics municipaux, qui a annoncé cette décision lors d'un débat au Conseil de Paris. Il a pris cette mesure après l'annonce jeudi dernier de la rupture de la charte parisienne de téléphonie mobile signée en 2003, qui liait la Ville de Paris et les opérateurs de téléphonie mobile. Elle comportait un seuil maximum d'exposition aux ondes électromagnétiques de téléphonie mobile de 2 V/m (volts par mètre) en moyenne sur 24 heures. A l'issue de nombreuses réunions de négociations, la Fédération française des télécoms (FFT) avait fait part, selon la mairie, d'"exigences inacceptables": "augmentation du seuil à 10 voire 15 V/m, retrait des opérations d'intégration paysagère des antennes existantes" notamment.

"Principe de précaution"
Et la mairie de Paris menace même de remettre en question les antennes déjà installées : "Nous regardons aussi d'un point de vue juridique tout ce qui peut être fait sur les installations existant actuellement. Elles non plus ne bénéficient plus de l'expérimentation, nous allons voir comment juridiquement nous pouvons procéder au démantèlement", a ajouté M. Péninou. Il a annoncé en outre que la ville allait travailler sur une "charte unilatérale (...) fixant ses conditions pour que ses opérateurs puissent utiliser nos toits, s'ils se régulent avec la ville".
Dans un communiqué, lés élus parisiens d'EELV ont "salué les engagements pris par M. Péninou".   Sylvain Garel, président du groupe EELV au Conseil, a rappelé lors des débats que, "dernièrement, c'est l'OMS (Organisation mondiale de la Santé, ndlr) elle-même qui a classé comme possiblement cancérigène les ondes de la téléphonie mobile". Il a ajouté que cette charte de téléphonie parisienne était "unique en France" car elle "témoigne de la volonté de la ville d'appliquer le principe de précaution vis-à-vis d'une technologie dont l'impact sanitaire est l'objet de controverses scientifiques

Visite de l'Euro-Députée Catherine Grèze





3 octobre 2011

Lu dans "Le Monde" du 28 septembre




La contestation contre les antennes-relais s'étend, à la ville comme à la campagne


La bataille des ondes entre opérateurs et riverains se joue de plus en plus devant les tribunaux

À Varades (Loire-Atlantique), une antenne-relais surplombe le groupe scolaire municipal    

Des Pyrénées-Orientales au Maine-et-Loire, de Montreuil (Seine-Saint-Denis) à Hérouville-Saint-Clair (Calvados), à Lyon et Paris, des riverains se mobilisent contre les antennes-relais de téléphonie mobile qu'ils estiment implantées trop près d'une école ou de chez eux. Dans le conflit qui oppose les associations fondées pour l'occasion aux opérateurs téléphoniques, les premières viennent de marquer un point avec l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 15 septembre. Celle-ci a ordonné à SFR de démonter un de ses pylônes de 12 mètres de haut situé à 80 m des maisons des plaignants, à Montesquieu-des-Albères (Pyrénées-Orientales), au nom du principe de précaution.

"Dans quelques années, on va assister à la mise en examen de maires à cause de ces installations", pronostique Me Jean Codognes. Inscrit au barreau des Pyrénées-Orientales et par ailleurs au mouvement Europe Ecologie-Les Verts, l'avocat se réjouit des conclusions de cette affaire qu'il a plaidée avec succès. Et n'a pas l'intention de s'en tenir là : conseiller municipal de Perpignan, il souhaite obtenir de sa ville, lors du conseil municipal du mardi 27 septembre, qu'elle s'engage vers la réduction de la puissance des ondes électromagnétiques. "Le combat sera long mais nous recevons de gros encouragements ces jours-ci", se réjouit le juriste, qui cite plusieurs autres affaires dans le département, notamment à Villeneuve-de-la-Raho où trois cas de cancer ont été diagnostiqués chez des enfants d'une même école proche d'une antenne-relais.

"Il est de la responsabilité des élus de la nation de ne pas attendre les certitudes scientifiques pour prendre des mesures de protection des populations (...)", écrivaient huit parlementaires le 13 juillet 2005, en préambule de leur proposition de loi sur les risques pour la santé publique liés à la téléphonie mobile. Parmi les signataires figurait Nathalie Kosciusko-Morizet, aujourd'hui ministre de l'écologie. Le texte demandait de ne pas exposer le public à des champs électromagnétiques supérieurs à 0,6 volt par mètre (V/m). En mai 2011, le Conseil de l'Europe réclamait le même seuil de prévention, voire un objectif de 0,2 V/m.
La tentative des députés est restée lettre morte. Toujours en vigueur, l'arrêté du 3 mai 2002 fixe les limites à 41 V/m et 61 V/m, en se référant à des normes européennes de 1999 qui tiennent compte du niveau d'émission en sortie d'antenne, plutôt que de l'exposition du public. L'Etat propose désormais un site d'information mais tarde à prendre la mesure de l'effervescence actuelle dans les villes comme dans les campagnes. Le groupe de travail présidé par le député (PS) François Brottes, formé au lendemain du Grenelle des ondes, a remis récemment un rapport qui laisse les parties prenantes sur leur faim. Les expérimentations prévues qui devaient permettre de progresser dans la réduction de la puissance d'émission des antennes-relais n'ont toujours pas pu être menées.
Les élus locaux restent démunis, pris entre enjeux économiques et convictions des défenseurs de l'environnement très déterminés, même si les certitudes scientifiques font défaut. Les batailles se livrent du coup sur le terrain judiciaire, avec des résultats contrastés. Orange, SFR et Bouygues, les trois premiers à développer leurs réseaux de télécommunication, ont acquis de l'expérience. Les conclusions penchent souvent en leur faveur - "à 92 % !", jure-t-on chez Bouygues -, en particulier lorsqu'elles émanent de tribunaux administratifs. Les opérateurs ont intérêt à se présenter devant ces juridictions devant lesquelles ils ont beau jeu de plaider qu'ils respectent scrupuleusement une réglementation... guère contraignante.
Le 4 février 2009, pour la première fois, une cour d'appel, celle de Versailles, condamnait Bouygues Telecom à démonter une de ses antennes à l'issue d'un long parcours judiciaire. Le jugement de Montpellier innove à son tour. Il concerne cette fois SFR, dont la cause semblait bien engagée : le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan pensait renvoyer l'affaire devant un tribunal administratif. La cour d'appel en a décidé autrement.
Niant la qualité de service public de SFR - c'est là un argument récurrent des opérateurs -, citant des normes plus exigeantes prises par des Etats voisins et au nom du principe de précaution édicté par le Code de l'environnement, elle exige l'enlèvement de l'antenne-relais dans les six mois, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour. L'opérateur n'a pas encore fait savoir s'il pensait se pourvoir en cassation.

Martine Valo